LE NAVIRE « LA MÉDUSE »

Par Bernard Ducros
Illustrations: « Naufrage de la Frégate La Méduse », Corréard et Savigny, Ed. Jean de Bonnot, 1986

Au cours des évocations de l’histoire mouvementée du naufrage de la frégate La Méduse, nous avons prononcé à maintes reprises le nom de ce navire. A aucun moment, cependant, nous vous l’avons présenté. Bien que le bâtiment n’ait été en rien responsable de la catastrophe, une saine curiosité nous pousse à le mieux connaître.
Un vieux bâtiment en fin de carrière? Pas du tout. A l’époque des évènements, un bâtiment récent ayant peu navigué.

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Sa construction
La décision en a été prise le 24 juin 1806, la réalisation confiée à une entreprise de Paimboeuf, et la conception au célèbre architecte naval Jacques Noël Santé.
Elle est lancée le 1° Juillet 1810 à Paimboeuf Loire Atlantique (actuel) et armée à Nantes. Certains voient comme un mauvais présage le choix du nom de Méduse faisant référence au caractère néfaste des gorgones.
Une frégate est un bâtiment léger à une rangée de canons ayant un rôle de protection de navires plus vulnérables. Nous faisons, ci-dessous référence à une autre frégate de conception proche pour nous rendre compte des proportions de La Méduse. Il s’agit, vous l’avez deviné, de l’Hermione que tous français et bien d’autres ont dans l’œil.

Comparaison Hermione Méduse
Lancement 1779 01/07/1810
Arsenal Rochefort Paimboeuf
Navire    
Longueur coque (m) 44,27 46,93
Longueur hors tout (m) 66,00
Largeur (m) 11,24 11,86
Poids (tonnes) 63,00
Déplacement (Tonneaux) 1082 1433
Tirant d’eau(m) 4,94 5,9
Tirant d’air( m) 47,00
Voilure(m2) 2200 2615
Artillerie    
Canons de 12 (livres) 26 28
Canons de 6 6
Caronnades (canon court sans recul) 12
Pierriers 4
Equipage    
Nombre marins 320 323
Voltigeurs en temps de guerre 200

Pour cette expédition particulière vers le Sénégal l’équipage était réduit à 112 par contre on dénombrait 266 militaires de la garnison du Sénégal et 99 fonctionnaires et scientifiques en charge de la mise en valeur de la colonie, soit au total 477 personnes.

Ses premières missions
La Méduse est affectée à des croisières en atlantique sans avoir à affronter la flotte anglaise. En septembre 1814, elle participe à une opération assez semblable à celle fatale vers le Sénégal. Elle transporte la mission chargée de reprendre possession de la Gouadeloupe. Mission au cours de laquelle le navire fait preuve de ses qualités nautiques en reliant les Antilles en seulement 25 jours.
A son retour, le navire est désarmé puis réarmée à Rochefort pour se préparer à conduire Napoléon I en Amérique après Waterloo. Finalement Napoléon s’est vu fixer une autre destination et la frégate était disponible pour une autre mission.

Le voyage vers le Sénégal
La flottille comporte 3 autres bâtiments :

  • La Loire, Flute (navire de commerce de conception hollandaise ventru contrairement à ce qu’évoque le terme de flute).
  • L’Echo, Corvette, le seul navire de la flottille capable de garder contact avec la frégate.
  • L’Argus, Brick.

Les problèmes rencontrés, qui ont été rapportés par les commentateurs de l’évènement ne mettent pas en cause le navire. Au contraire, les rapporteurs, soulignent la bonne tenue du navire qui sème la flottille d’accompagnement. Première faute du comandant qui aurait du maintenir le contact. Cette erreur n’a cependant pas été retenue par le tribunal chargé de juger le commandant Vicomte Hugues Duroys de Chaumareys. Ce dernier ayant été poussé à ce rendre le plus rapidement possible à St Louis par le Gouverneur Schmaltz, soucieux d’apporter à la colonie provisions et matériel dont le besoin est pressant.
Le commandant abandonne la conduite de son bateau à un passager dénommé Richefort se targant d’avoir fait plusieurs voyages au Sénégal. Décision ahurissante et confiance mal placée. Le commandant par délégation fait fi des avertissements de l’équipage et ceux pressant de l’Echo seul bâtiment du convoi ayant réussi à garder le contact. Le 2 juillet vers 15 heures la fière frégate se plante sur le banc d’Arguin, bien connu des vrais marins, à une centaine de kilomètres de la cote mauritanienne.

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L’agonie
Le navire, bien calé dans la souille qu’il a creusé dans le sable, est stable. Dans cette position il aurait pu résister longtemps. Les manœuvres entreprises pour lui rendre son autonomie réussirent à le dégager, à le faire virer et le déplacer de 200m. Cette entreprise aurait pu réussir si on avait pris le soin de délester davantage le navire. Elle tourne au désastre. La frégate repose maintenant uniquement par l’arrière et talonne sous l’effet d’une mer devenue très agitée. Sous l’effet de ces coups de boutoir (le gouvernail bât la coque, le radeau accosté en attente rompt ses amarres), le navire se disloque.

Nous sommes le 5 juillet 1816. Il faut partir.
La belle frégate a terminé sa courte carrière.

Une réflexion au sujet de « LE NAVIRE « LA MÉDUSE » »

  1. Bonjour Bernard,
    Bravo pour cet article très intéressant. Seulement 6 ans de service pour un tel bâtiment, quel gâchis en terme de matériel perdu. J’attends avec impatience les prochains sujets abordés.
    Bravo également pour le contenu du site et sa présentation. Félicitations aux concepteurs.
    Mon bon souvenir à vous et à la famille,
    Danièle

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